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Si vous ne voulez pas qu’on le sache, mieux vaut encore ne pas le faire

Quel est le prix de notre démocratie ?

Posté par Soren Le 15 - janvier - 2009

Ouh, j'ai l'air aimableOuh, j’ai l’air aimable - CC artypop

Le 5 janvier dernier, j’avais évoqué la possible nomination de Frédéric Lefebvre au poste de secrétaire d’État à l’économie numérique. Finalement, il n’en sera rien puisque c’est Nathalie Kosciusko-Morizet qui a été choisie en remplacement d’Éric Besson. Si aux premiers abords cette nomination nous évite d’avoir une vision obscurantiste à un poste d’importance, rien indique que NKM aura les coudées franches pour avoir une politique davantage favorable envers les internautes. Tout d’abord, il y a un éventuel risque de conflits d’intérêts, puisque sont frère, Pierre, est le créateur du site PriceMinister et est désormais le directeur de l’ACSEL (Association pour le commerce et les services en ligne)… entre la soeur à l’économie numérique et le frère à un poste lié au commerce et aux services, on peut toujours l’envisager.

Et si Frédéric Lefebvre est écarté, il reste toujours une pléthore d’opposants virulents au web : Nadine Morano, Michelle-Alliot Marie et bien sûr Christine Albanel qui ont toutes les trois des projets tous plus enthousiasmants les uns que les autres : filtrage du web, blocage de sites internet ou encore mise en place de la riposte graduée. Et pour piloter tout ça, évidemment nous avons toujours le grand patron, Nicolas Sarkozy qui a réaffirmé devant l’industrie culturelle encore sa volonté de faire passer la loi Création et Internet à l’Assemblée Nationale.

C’est d’ailleurs sous prétexte que la France a inventé le droit d’auteur (ce qui est historiquement faux [1] [2]) qu’il faut être les premiers à instaurer une ferme répression contre les internautes qui ont révolutionné la manière de partager la culture. Encore une fois, le parallèle avec une baguette de pain avec un élément physique est fait, ce qui est fondamentalement faux. Un bien volé dans un supermarché est volé ou consommé. Un fichier numérique n’est pas volé, mais dupliqué : la première personne jouit toujours de son fichier tout en ayant la possibilité de la partager à l’infini. C’est le principe des biens non-rivaux en économie et en droit si je ne me trompe pas. Donc si Nicolas Sarkozy est déterminé à combattre les “pirates”, qu’il se rassure, les “pirates” sont déterminés à lutter contre Sarkozy =].

Pour autant, cet empressement m’inquiète. Numérama avait relevé que la loi Création et Internet avait été positionné avant d’autres textes de loi qui semblait pourtant d’une importance supérieure à une loi sur la culture. Je n’ai plus l’article sous la main, mais de mémoire il y avait des textes sur les hôpitaux ou les prisons qui ont été programmés après la loi Création et Internet. Celle-ci, instaurant la riposte graduée, pose un problème fondamental : comment s’assurer de la culpabilité des internautes épinglés ? Avertir un internaute sur quelle preuve, quelle base ? Et toute l’échelle de sanction ? Des questions qui à ce jour n’ont pas de réponses.

Peut-on voir un lien entre la loi Création et Internet, porté à bout de bras Nicolas Sarkozy et son gouvernement, et le traité de l’ACTA (Accord de Commerce Anti-Contrefaçon) négocié entre les États-Unis, le Canada, l’Union européenne, la Corée du Sud, l’Australie, les Émirats Arabes Unis, le Japon, la Jordanie, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et la Suisse. En effet, contrairement à ce que son nom pourrait laisser entendre, cet accord ne concerne pas le faux-monnayage, mais uniquement ce qui touche à la propriété intellectuelle. Et derrière ces quelques lettres, cela pourrait concerner le filtrage d’Internet, l’interdiction du P2P, les brevets logiciels ou encore la fabrication de médicaments génériques.

Notez l’utilisation du conditionnel dans la phrase précédente. Car le souci avec l’ACTA, c’est que son contenu est totalement opaque. Au point que la FFII (Fondation Intertionale pour une infrastructure Informationnelle Libre) a décidé de porter plainte. Carrément. Parce que voyez-vous, établir un standard commun pour la défense des droits de propriété intellectuelle c’est une chose, mais ne rien savoir à son sujet en est une autre.

L’association, comme beaucoup d’autres, estime que ce manque de transparence n’est absolument pas normal dans une société démocratique. Malgré des demandes répétées de la part de nombreuses associations, le Conseil des ministres européens a continuellement rejeté les demandes, avançant que les négociations étant en cours, la divulgation pourrait entraver le bon déroulement des négociations et blablabla, et blablabla -_-.

Puisque visiblement on se fout encore une fois de la gueule des citoyens, la fondation a donc décidé de porter plainte. Elle demandait une publication immédiate de ces documents, et devant les refus successifs, la FFII a donc décidé d’emmener cette affaire devant la Cour Européenne de Justice.

Jusqu’à quel point exactement des négociations sur des questions commerciales sont plus importantes qu’appliquer la loi démocratique ? A 200 millions d’euros ? À 500 millions d’euros ? A 1 milliard d’euro ? Quel est le prix de notre démocratie ?

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4 commentaires

  1. Ulrik dit :

    C’était pas si mal sous Chirac en fait …

    ^^’

  2. Soren dit :

    Dès qu’un gratte un peu le vernis des institutions et de la politique, on est parfois désenchanté ;)

  3. Luuke dit :

    Pas besoin de gratté, ils nous le rappellent d’eux-mêmes le plus souvent.
    Bref la situation stagne, mais bon temps que rien ne passe c’est déjà ça, mais on est toujours a deux doigts de voir des conneries devenir loi.

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  1. [...] J’en avais déjà parlé au début d’année ; je m’interrogeais sur les liens entre ce fameux traité ACTA et l’empressement politique autour de Hadopi : [...]

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