Hadopi : « jusqu’au bout »

Sarkozy
Sarkozy – CC BY-NC-SA tuexperto02

« C’est le débat aussi que nous avons sur le droit d’auteur. Car enfin, comment pourrait-il y avoir dans notre société de zones de non-droit ? Comment peut-on réclamer en même temps que l’économie soit régulée et qu’Internet ne le soit pas ? Comment peut-on accepter que les règles qui s’imposent à toute la société ne s’imposent pas sur internet ? En défendant le droit d’auteur je ne défends pas seulement la création artistique, je défends aussi l’idée que je me fais d’une société de liberté, où la liberté de chacun est fondée sur le respect du droit des autres.

C’est aussi l’avenir de notre culture que je défends. C’est l’avenir de la création. J’irai jusqu’au bout. »

J’ai écouté rapidement le discours de Nicolas Sarkozy devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles. J’ai retenu surtout trois aspects : l’emprunt national, le refus de la burqa et… Hadopi ou plus exactement, la création. Ainsi le président de la République a-t-il prévenu qu’il irait « jusqu’au bout ». Tiens donc, du volontarisme politique. Aller jusqu’au bout d’accord, mais de quoi ? Du ridicule ? De la violation du droit ? De l’aliénation entre les internautes d’un côté et les politiques/artistes de l’autre ?

Pourtant, dans son discours, il a rappelé que personne ne détenait la vérité absolue. Dans ce cas-là, pourquoi ne pas envisager d’autres solutions que la criminalisation potentielle de 20 millions d’internautes ? Si lui-même ne détient pas non plus la vérité absolue, peut-être serait-il temps d’envisager d’autres solutions, d’autres voies ? Non parce que taper contre un mur, c’est vite lassant. Surtout qu’en plus des internautes, cette loi a été bousculée par la plupart des autres partis politiques, par les associations, par les institutions françaises, les institutions européennes et récemment encore par le Conseil constitutionnel lui-même.

Et puis ce fantasme de l’Internet far-west, de l’Internet zone de non-droit. Encore une image qui me tape sur le système. Je ne peux m’empêcher de repenser à ce concept de « civiliser l’Internet ». Je ne sais plus si c’est Nicolas Sarkozy lui-même qui l’avait inventé ou si c’était son porte-flingue préféré, Frédéric Lefebvre. Et j’avais vu une réflexion très amusante d’un bloggueur, Eolas je crois, qui avait rétorqué que civiliser Internet était aussi stupide que civiliser un micro-onde ou un grille-pain :). De toute manière, ce n’est pas Internet qui doit tomber sous le coup de la loi, mais les internautes derrières leur écran. Par ailleurs, on ne me fera pas croire que le droit ne s’applique pas aux internautes français.

Tiens, ça me fait penser à l’entretien donné par Guilhem Fabre, socio-économiste spécialiste des questions de propriété intellectuelle, au mensuel de l’université : « Chaque innovation modifie le droit. Dès lors, le droit doit s’adapter aux innovations technologiques et non le contraire ! Actuellement, c’est la démarche exactement inverse qui a cours : le droit doit contraindre l’innovation technologique. Cela ne se passera pas comme ça. [...] Quand on parle de création, on parle encore et toujours de titulaires de droit et non pas du créateur lui-même. Le débat est du coup fallacieux. Finançons les créateurs et ne passons pas par les fourches caudines des titulaires de droit. C’est à partir de cela que l’on pourra élaborer un nouvel encadrement juridique qui permettra en plus de favoriser la diversité de la création« .

Quant à l’idée qu’Internet tuerait la création, ça doit bien faire trente ans que les ayant-droits pleurent à chaque avancée technologique. La K7 audio, la VHS, les graveurs, les MP3… les époques changent, le monde change, mais pas la stratégie des majors. Surtout qu’entre-temps, plusieurs études ont montré que l’industrie du disque n’était pas autant en crise que ce que l’on veut nous faire croire. Et si on abordait la question des marges pratiquées sur le prix des CD et des DVD ? Ou mieux, sur le prix des MP3 vendus dans des boutiques en ligne ? On ne me fera pas croire que la copie numérique engendre un coût justifiant des prix aussi élevés. S’ils veulent concurrencer le téléchargement illégal, il va falloir revoir les prétentions à la baisse, tout en proposant des formats variés et des débits élevés. Sinon, ça ne servira à rien. Et quid des taxes sur les supports vierges ?

La récréation est finie, il va falloir se serrer la ceinture et arrêter de pomper l’argent des consommateurs. La nature a horreur du vide, donc vous parviendrez à vous adapter, comme vous l’avez fait lors d’autres sauts technologiques. Et si vous n’y parvenez pas, vous serez remplacé par d’autres structures plus innovantes.

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