Selon
un confidentiel du Figaro paru discrètement la semaine dernière, la
débâcle gouvernementale autour du fichier Edvige aurait fait sa
première victime collatérale : la loi Hadopi, rebaptisée loi Création
et Internet.
A l’occasion d’un colloque sur les contenus créatifs en ligne, la
ministre de la Culture Christine Albanel a assuré son auditoire qu’elle
avait "bon espoir" que le projet de loi soit examiné par le Sénat en novembre. "Il y a un agenda parlementaire très chargé. C’est une bataille. Mais je sens beaucoup de volonté politique" autour du texte, s’est expliquée la ministre.
Mais "le calendrier parlementaire encombré n’explique pas tout", réplique le Figaro dans une confidence datée du 17 septembre. "Le
gouvernement n’a toujours pas arrêté une date pour examiner le projet
de loi antipiratage qui doit transposer les accords de l’Élysée signés
sous l’égide de Denis Olivennes", rappelle le journal, qui avance une autre explication. "En
fait, il craint de donner une nouvelle tribune à ceux qui se sont
opposés au fichier Edvige. Certains parlementaires pourraient faire
l’amalgame entre ce fichier et ceux destinés à mener le combat contre
les internautes qui téléchargent illégalement des œuvres".
Le texte du projet de loi Création et Internet prévoit en effet la
création d’un fichier national d’infractions administré par la Haute
Autorité de Diffusion des Oeuvres et de Protection des droits sur
Internet (Hadopi). Ce fichier recevra l’inscription de l’identité de
chacun des abonnés à Internet dont l’accès a été utilisé pour mettre
frauduleusement des oeuvres à disposition sur les réseaux P2P. Conçu
sur le modèle du fichage bancaire, il devra être consulté par les
fournisseurs d’accès à Internet avant chaque ouverture de compte, pour
s’assurer que l’abonné ne fait l’objet d’aucune interdiction.
Outre l’amalgame possible avec le fichier Edvige, qui pourrait créer
une psychose de tout fichage dans les mois à venir, le contexte
politique est également défavorable à la loi Création et Internet.
Nicolas Sarkozy cherche désespérément à remonter dans les sondages
de popularité, et le vote d’une loi contestée aux effets plus
qu’aléatoires ne devrait pas l’y aider. D’autant que la loi creusera
encore la dette publique par ses coûts de fonctionnement pharamineux
(au bas mot 31 millions d’euros par an d’après nos calculs), au bénéfice non pas des artistes, mais des industriels déjà accusés de copinage avec le Président de la République.
De plus, la vague rose de dimanche aux élections sénatoriales
pourrait aussi convaincre le gouvernement de jouer la prudence à la
chambre haute du Parlement, qui sera certes toujours à dominante UMP
mais moins docile que lors des débats sur la loi DADVSI.
Par ailleurs, la manière très douteuse
avec laquelle ont été négociés les accords Olivennes sera à n’en pas
douter soulevée sur les bancs de l’Assemblée Nationale, avec le double
risque de fragiliser la légitimité du projet de loi et de mettre à jour
une tromperie organisée jusqu’à l’Elysée, sur fond de chantage à la
quatrième licence 3G. De quoi donner l’envie à quelques députés
pointilleux d’exiger une enquête parlementaire. Après les lobbyistes de Virgin
habillés d’un badge officiel du ministre de la Culture pour distribuer
des bons d’achat aux députés, ça ferait encore mauvais genre.
Enfin, le risque d’inconstitutionnalité de la loi est fort, en l’absence notamment de garantie effective des droits de la défense.
Sachant qu’en plus la France est présidente de l’Union Européenne et
que le Parlement Européen a jugé dans une résolution non contraignante
que les fondements de la loi Création et Internet étaient contraires aux droits de l’Homme… Il faudrait une folle obstination politique pour s’engager dans un tel bourbier.
La meilleure chose qui pourrait arriver à Christine Albanel pour en
sortir par la grande porte serait donc que soit voté mercredi au
Parlement Européen l’amendement au Paquet Télécom
qui doit interdire purement et simplement toute riposte graduée dans
les pays membres de l’Union Européenne. Elle trouverait alors le bouc
émissaire parfait. Bruxelles en a l’habitude.
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