Christine AlbanelChristine Albanel - CC Soren

Alors qu’en Suède The Pirate Bay a marqué quelques points dans son procès contre l’industrie du disque, en France ce tenait le grand oral de Christine Albanel devant la Commission des Lois. Retransmis en direct à la TV et sur Internet, il n’y a eu malheureusement aucun archivage de ces deux bonnes heures de débat autour du projet de loi Création et Internet (pour éviter que les bourdes de la ministre ne se retrouvent partout sur le web ?). Néanmoins, j’ai par chance pu assister à ces discussions et le moins que l’on puisse dire, c’est que la ministre de la culture a été renvoyée dans ses 22 mètres.

À tour de rôle, Martine Billard (Verts), Patrick Bloche (PS), Didier Mathus (PS) et Christian Paul (PS) ont patiemment démonté les arguments de Christine Albanel, la poussant dans ses derniers retranchements au point qu’elle ne donnait finalement plus que des réponses assez évasives et courtes. Quand on conçoit un projet de loi affectant potentiellement les libertés individuelles, on s’attend à autre chose que ce type de réponses !

On ne sait ainsi toujours pas comment faire confiance à des entreprises privées chargées de collecter les IP des internautes afin d’enclencher les procédures de l’Hadopi. On ne voit toujours pas comment les internautes pourraient faire pour prouver leur bonne foi et leur innocence en cas de litige avec les procédures de l’Hadopi. C’est encore plus cocasse lorsqu’on sait qu’on ne peut s’opposer qu’une fois la sanction tombée. La sanction d’abord, la protestation ensuite.

Mais ce n’est pas tout. On a toujours pas la preuve d’un lien de cause à effet entre échange de fichiers et baisse des ventes de produits culturels… peut-être parce qu’il y a une crise économique ? Peut-être parce que les individus étalent leurs dépenses dans différents “postes” culturels (DVD, CD, jeux vidéo, sonneries de téléphone, matériel informatique, livres, BD, mangas…) ? On est toujours pas sûr qu’un internaute qui ne pourrait plus télécharger irait nécessairement se consoler en devenant un acheteur compulsif…

MAIS le pire, c’est la gaffe (j’espère que s’en est une, car sinon cela laisse augurer une vision qu’a le gouvernement du web pour le moins très ringarde, obscurantiste et néfaste) qu’a faite Christine Albanel lorsqu’elle parlait des moyens que les collectivités locales et le gouvernement pourraient mettre en place sur les bornes d’accès wi-fi. En effet, s’il est possible de couper l’accès internet à un individu sans impacter beaucoup d’autres Français, il est difficilement concevable de retirer Internet d’une université, d’une bibliothèque ou d’une entreprise.

Christine Albanel a alors proposé d’autres mesures alternatives, comme l’installation de logiciels spécialisés ou… qu’on revienne tout simplement à l’âge du minitel (remarquez, on y est déjà). Pour cela, le gouvernement proposerait une liste blanche de sites autorisés tandis que tout le reste ne serait pas accessible. Un web finalement sélectionné, un web filtré, un web censuré. Comment dire…

Bref qu’on se le dise, le Parti socialiste et les différents partis politiques de gauche voteront contre le projet de loi de la ministre. Le MoDem devrait très vraisemblablement se caler sur la position de la gauche. Mais vous me direz, l’hémicyle de l’Assemblée nationale est majoritairement occupé par des députés de l’UMP et de son allié, le Nouveau Centre. Rien indique donc que le projet de loi soit rejeté par la représentation nationale.

Hé bien, ce n’est absolument pas certain que les votes des députés se calquent aux directives de leurs partis respectifs. En effet, souvenons-nous de l’épisode dantesque il y a trois ans lors des débats entourant DADVSI. À l’époque, des membres de l’UMP n’avaient pas hésité à rejoindre les positions de leurs collègues socialistes ! On peut donc espérer un vote ouvert sur le sujet, loin des logiques de partis et des consignes de vote. Du moins, espérons le.

Je précise par ailleurs que les détracteurs de la loi Création et Internet ne cherchent pas à instaurer le “tout-gratuit”. Mais les différents intervenants opposés à Albanel ont tous souligné une loi qui se focalise principalement sur le volet de la répression, et surtout que les réponses apportées aux questions n’étaient pas les bonnes. Bien sûr qu’il faut rémunérer les créateurs. Mais les modèles obsolètes mis en avant dans ce texte ne sont pas les bons pour la pérennité de l’industrie culturelle. Et de ce demander quand est-ce que le gouvernement regardera d’un peu plus près l’idée d’une licence globale.

Sur ce sujet :

Riposte graduée : Christine Albanel bousculée par les députés, sur Numérama
Albanel : seuls les sites autorisés pourraient être vus en wi-fi !, sur Numérama
Hadopi : Albanel passe son oral : 0 / 20, sur La Quadrature du Net

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