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Si vous ne voulez pas qu’on le sache, mieux vaut encore ne pas le faire

L’Australie, une démocratie sous surveillance

Posté par Soren Le 23 - mars - 2009

No Clean FeedNo Cleand Feed - CC thewamphyri

“La première règle de la censure est que vous ne pouvez pas parlez de la censure.”

Combattre la pédopornographie, qui peut être contre ? Personne, sauf à souhaiter qu’on vous prête des raisons obscures motivant votre opposition.

Ainsi, puisque personne ne peut vraiment s’y opposer sans apparaitre comme douteux, de nombreux gouvernements établissent des listes noires de sites à restreindre ou à bloquer pour qu’ils ne soient plus accessibles dans leurs pays respectifs. Wikileaks a ainsi relevé l’existence de listes en Finlande (~800 occurrences), au Danemark (~3 800 -4 000) et en Thaïlande (~11 500). Or, le risque avec ces listes noires réside dans leurs contenus. Comment être sûr que les sites recensés et bloqués sont effectivement tous relevant de la pédopornographie ?

L’Australie qui met également en place un système de liste noire est suspectée par Torrentfreak de faire un peu trop de zèle et de censurer des sites web qui n’ont pas grand chose à voir avec l’objet initial du filtrage. Sur les 2 400 entrées rassemblées par l’Autorité Australienne des Communications et des Médias (Australian Communications and Media Authority - ACMA), différents sites de streaming porno (mais légaux) seraient ainsi touchés, mais également des sites religieux, des pages Wikipédia (ça ne vous rappelle rien ?), des sites sur l’euthanasie et même les sites d’une agence de voyage, d’un site de pari en ligne (Betfair.com) et d’un dentiste ! Le cas de Betfair.com est d’ailleurs intéressant car en 2007 il avait déjà été censuré par les autorités australiennes, mais l’appel avait renversé la décision de justice en mars 2008.

Le plus cocasse dans cette histoire, c’est que Wikileaks aurait remarqué la manœuvre du gouvernement australien en apprenant que certaines de ses pages était effectivement bloquées ! C’est en effet un citoyen australien qui a déposé une requête devant l’ACMA pour signaler ce problème. Avec un budget de 75 millions d’euros, l’ACMA pourrait être un peu plus prudent…

Stephen Corroy, le ministre des communications et de l’économie numérique australien, a précisé à la suite de cette “fuite” que la liste (encore non-officielle donc) de l’ACMA ne contiendrait en réalité “que” 1 050 entrées à 1 370, expurgeant ainsi les sites web précédemment cités, ainsi que les sites BitTorrent comme TorrentSpy et TorrentFive (comme c’est étrange…. ;)). Des propos qui tranchent avec ses précédentes déclarations, où il parlait de 10 000 sites appelés à figurer dans la liste noire, d’autant que le doute plane toujours sur les sites visés : si la pédopornographie constituera la principale cible, d’autres sites considérés comme “indésirables” pourraient être touchés.

Les organisations locales s’inquiètent donc de l’avancée du projet. Des manifestations ont déjà eu lieu dans les grandes villes australiennes (Sydney, Melbourne, Canberra…) sous le slogan “Save the net”, soutenues par le mouvement “No Clean Feed” lancé par l’EFA (Electronic Frontier Australia). Une pétition en Australie a déjà atteint par ailleurs plus de 100 000 signatures, tandis que des dons pour soutenir ce mouvement approchent les 50 000 dollars australiens.

De plus, les spécialistes du web indiquent que le projet semble techniquement et financièrement irréalisable : 10 000 pages web sur un million seront sans doute bloquées par erreur, ralentissement du débit d’environ 30% (les premiers tests font même état d’une baisse de 87% !), risque pour la liberté d’expression. Malgré les bonnes intentions affichées de Stephen Conroy, le projet ne convainc pas. Notons que ce système serait à deux niveaux : un filtrage parental pour les enfants et un filtrage globale censé être incontournable.

De son côté, le 9 décembre, le parti Vert australien a demandé au gouvernement de retirer son projet. Interviewé par le site The Age, le sénateur vert Scott Ludlam pense que si le gouvernement peut faire marche arrière un peu plus tard, il ne peut pas envisager l’abandonner aujourd’hui. Selon lui, ce serait “politiquement une manière importante de perdre la face”.

Rien d’étonnant donc que l’Australie devienne la deuxième démocratie avec la Corée du Sud à figurer dans le rapport de Reporters Sans Frontières : Les ennemis d’Internet 2009, catégorie “démocratie sous surveillance”. l’ONG estimant que “ce projet de filtrage intervient dans un contexte où la législation sur le terrorisme permet d’ores et déjà de graves atteintes à la confidentialité des correspondances privées . [...] depuis 2001, la loi permet à une agence indépendante du gouvernement d’intercepter tout e-mail suspect et de mener des enquêtes indépendantes y compris en l’absence d’autorisation judiciaire préalable“.

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