Michelle Alliot-Marie - CC Alain Bachellier

C’est donc ce matin que le projet de loi LOPPSI (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure) a été présenté en Conseil des Ministres par la ministre de l’Intérieur Michelle Alliot-Marie. L’objectif affiché est de mettre en place un nouveau plan de stratégie globale pour la protection des concitoyens, remplaçant ainsi la première version de la loi de 2002. En clair, finaliser le contrôle des réseaux initié par l’UMP et complété par Nicolas Sarkozy (DADVSI, LOPPSI/1, HADOPI, LOPPSI/2).

Je ne vous cache pas une franche hostilité vis-à-vis de ce texte de loi. Tout d’abord, parce qu’il apparait comme un texte fourre-tout : on y retrouve l’envie de lutter contre le terrorisme, l’immigration clandestine, la captation de données numériques à distance (article 23 de LOPPSI), les fichiers d’analyse sérielle (article 10), le filtrage des contenus à caractère pédo-pornographique par les FAI (article 4).

Ensuite parce que l’un des aspects les plus critiqués de ce projet de loi reste dans l’autorisation qui sera donnée aux forces de l’ordre de s’introduire (en clair : pirater) sur l’ordinateur d’un citoyen sans décision judiciaire. Et au regard du texte de loi, les justifications pouvant amener un policier à s’immiscer sur un PC sont plutôt nombreuses : terrorisme, pédophilie, meurtre, torture, trafic d’armes et de stupéfiants, enlèvement, séquestration, proxénétisme, extorsion, fausse monnaie, blanchiment et aide à l’entrée et séjour d’un étranger. On tiquera tout de même que l’aide à l’entrée et au séjour d’un étranger soit élevé au même rang que la pédophilie, le terrorisme ou la torture, quand bien même cet étranger est en situation irrégulière.

La démarche est de toute façon toujours la même : on dresse comme prétexte la menace terroriste ou l’horreur de la pédophilie. De toute façon, qui va s’opposer à ce qu’on protège nos chères petites têtes blondes des affreux ignobles pervers ou des monstrueux terroristes assoiffés de sang ? Ainsi, on créé une loi pour “le pire”, qu’on étend ensuite progressivement à d’autres crimes et délits. Demain, il suffira alors d’ajouter une ligne supplémentaire pour autoriser le piratage en cas de simple délit. Or, à diaboliser à tout va et en conduisant des politiques répressives (Vigipirate, l’affaire Julien Coupat…), les gouvernants, en soutenant des mesures d’exception qui menacent l’État de droit, risquent de faire inévitablement le lit des extrêmes. Ces évolutions amènent dès lors à réfléchir à quel type de liberté individuelle, à quel type de liberté politique et à quel type de liberté d’expression les citoyens sont encore attachés.

Comme tous les autres textes du gouvernement, MAM a annoncé que LOPPSI était prioritaire (étonnant, non ?) et qu’elle souhaitait donc que le projet de loi soit débattu par les députés à la mi-juillet. Étonnant décalage, car il y a deux semaines, un collaborateur de l’Assemblée nationale indiquait à Écrans.fr que le texte n’était pas destiné à être examiné en 2009. Mais au regard du contenu de LOPPSI, le gouvernement souhaite sans doute profiter des grandes vacances pour amoindrir sa médiatisation et éviter ainsi un certain nombre de critiques.

Forcément, comme le souligne Korben, certaines joyeusetés vont provoquer un tollé :

• D’installer des mouchards dans vos ordinateurs et téléphones sans en vérifier la légalité.
  De s’introduire chez vous pour mettre en place ces mouchards.
  De collecter et analyser tout ce que vous tapez sur votre clavier, soit via se mouchard, soit à distance en hackant votre PC.
  De stocker tout un tas d’informations personnelles sur vous dans un gros fichier commun baptisé Periclès (Téléphones portables, factures, permis de conduire…etc).
  De scanner votre plaque d’immatriculation automatiquement pour connaitre le moindre de vos déplacements (ils le font déjà en Angleterre et en Turquie).
  De vous accuser d’usurpation d’identité sur Internet (je ne connais pas encore les conditions exactes donc je ne peux pas vous dire si le fait de prendre comme pseudo sexyboy69 est une usurpation d’identité).
  De vous géolocaliser les internautes où qu’ils soient.
  De bloquer les sites “interdits” directement chez les FAI (censure comme en Chine quoi).

Les plus curieux pourront se rendre sur le site du ministère pour y découvrir un document (PDF) de 48 pages.