L’acharnement thérapeutique du gouvernement sur Hadopi


Pirate – CC BY-NC-ND Ced_

Je ne comprends décidément pas l’acharnement du gouvernement à vouloir intégrer dans la loi un texte inepte et désormais vide de contenu. Depuis que le Conseil constitutionnel a rendu son avis mercredi dernier, en censurant le cœur même du dispositif, beaucoup de commentateurs ont choisi des métaphores médicales pour illustrer ce nouvel état de fait : mort cérébrale, mort clinique, coma dépassé… . Avec la sentence lourde rendue par l’une des institutions les plus essentielles de notre pays, on aurait pu croire que le législateur, après avoir foncé dans le mur en klaxonnant, allait sortir de la voiture pour voir l’étendue des dégâts et opter – on l’espère tous ! – pour une nouvelle approche.

Mais non ! Le législateur a sans doute beaucoup trop bu, car il va sans doute remonter dans son épave de voiture et repartir encore plus déterminé que jamais à avoir son texte. C’est un article d’Ecrans qui m’a fait réaliser avec effroi l’entêtement maladif du gouvernement sur ce sujet. En effet, selon une source proche du dossier, les restes de la loi Création et Internet devraient être promulgués dans les jours à venir. En clair, on va inscrire dans la loi un cadavre dont l’essentiel a été censuré par le Conseil constitutionnel et dont d’autres parties ont reçu un avertissement à travers la réserve d’interprétation.

Bel exemple d’acharnement thérapeutique donc. Toujours selon l’article d’Astrid Girardeau, le gouvernement avait quatre possibilités : promulgation de la loi, nouvelle délibération des dispositions censurées, nouvelle loi à la rentrée ou amendement d’un autre texte. Je ne dis pas que telle ou telle proposition est meilleure qu’une autre, mais je suis pour le moins étonné du choix actuel.

La Commission de Protection des Droits, celle-là même qui devait fonctionner à un rythme de croisière de 1 000 coupures par jour, ne pourra plus qu’émettre des avertissements et au pire transférer le dossier au parquet pour que de véritables poursuites s’engagent, mais au sein de l’appareil judiciaire cette fois. Le dessin de Vidberg sur le sujet résume bien le souci : « nous avons constaté que vous avez téléchargé illégalement l’intégrale de Dick Rivers. Si vous continuez, nous serons dans l’obligation de.« 

Les internautes vont frémir assurément.

Donc maintenant ? Vont-ils essayer de réintroduire l’amende dans le dispositif alors même que les défenseurs du projet de loi en avaient écarté l’idée ? Cela irait à l’encontre de tout ce qu’ils ont dit durant les débats au parlement. Et puis à ce compte-là, autant introduire la licence globale, car ce n’est pas certain qu’une amende de 20, 30 ou même 40 euros dissuade un internaute attrapé. Sans doute y aura-t-il une baisse sensible, mais la probabilité de se faire attraper plusieurs fois étant quand même assez minime, beaucoup reprendront le téléchargement.

Et puis en plus, le Conseil constitutionnel avait censuré le principe de l’amende lors de la DADVSI en 2006. Vous imaginez, vous, le gardien de la Constitution française changer d’avis comme de chemise ? La raison invoquée à l’époque était bien compréhensible : de mémoire la mise en place de l’amende aurait provoqué une rupture d’égalité entre des personnes qui téléchargent et d’autres qui gravent des CD pour les distribuer ensuite à la sauvette. Même si cela durcit hélas les sanctions pour l’internaute puisque le téléchargement est considéré dès lors comme de la contrefaçon, il aurait été étrange que ces deux cas de figure ne soient pas traités de la même façon (cf § 64 et 65 de la décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006).

Tout n’est donc pas encore terminé et soyez sûr que le gouvernement sera assez retors pour tenter un bon coup.

Comme une amende pour un défaut de surveillance et/ou de non sécurisation de la ligne Internet ?

La justice n’a pas mieux à faire franchement ?

À quand l’euthanasie de la loi ? (et des responsables ?)

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