Valet des victimes

C’est qu’en agissant ainsi, Michelle Alliot-Marie ne s’est pas comportée en garde des sceaux, mais en valet des victimes [...]. L’action publique ne doit pas être inféodée aux déceptions des victimes. Elle en est autonome, et ce n’est pas pour rien. Ce n’est pas la victime qui demande la punition, c’est la société. La victime est dépouillée de son droit de vengeance depuis que tout citoyen a renoncé à son droit de se faire justice à lui même, et plus largement de recourir à la violence, en confiant le monopole de la justice à l’État, en charge de la protection des citoyens. Et la société doit garder son droit de dire à la victime : non, ça suffit. Ce n’est pas lui faire violence, et je crois même que c’est le plus souvent pour son bien. Car il est des cadeaux faits avec la meilleure volonté du monde qui sont en fait des cadeaux empoisonnés.

Maître Eolas, Appel dans l’affaire Halimi : la faute de MAM

Comme à son habitude, maitre Eolas frappe avec justesse et retranscrit parfaitement en des termes savamment choisis mon opinion sur certaines actualités judiciaires. Il est un peu ma muse en droit, me rappelant parfois mes certains de mes anciens professeurs de droit que j’ai eu à l’université… C’était une autre époque ;-).

Nicolas Sarkozy avait à plusieurs reprises invoqué le bien-fondé de faire passer le droit des victimes avant le droit des accusés (ou parfois condamnés). Comme le dirait mon avocat 2.0 favori, je disconviens à cette idée. Non pas qu’il faille privilégier les « bourreaux », mais la justice doit permettre de placer sur un même piédestal les différentes parties impliquées dans une affaire. Dans ce genre de cas, j’ai plus l’impression qu’on cherche à utiliser la justice comme un outil de vengeance, en cherchant absolument à obtenir la plus lourde des sanctions.

C’est humain et compréhensible de profiter du procès pour faire sa catharsis. Mais justement, c’est pour éviter des sanctions disproportionnées, déraisonnables qu’en France et dans d’autres sociétés, nous avons choisi de confier la justice à une autorité indépendante et distante, qui n’est pas impliquée personnellement dans cette affaire. Autorité qui peut prendre le recul nécessaire pour juger, sans pour autant se déshumaniser ou céder à la vindicte populaire.

Malheureusement, ce procès sera aussi la tentation pour certains de vouloir un procès finalement plus global sur le racisme et l’antisémitisme. On demande des peines plus lourdes, des peines exemplaires. Parce que c’est important, « surtout pour la France » comme le considère la mère d’Ilan. Mais je ne suis définitivement pas convaincu que c’est la meilleure idée de transcender le débat de Fofana en débat sur l’antisémitisme.

Notons d’ailleurs que Youssouf Fofana, le principal accusé, a déjà été accusé à la peine maximale avec une période incompressible de 22 ans ; les autres personnes impliquées à différents niveaux ont au mieux été acquittées, au pire reçus des peines de plusieurs années. Pour certains d’entre eux, la prison ne doit pas être une fin en soi, mais également le lieu pour préparer une réinsertion dans la société. Quand les peines seront purgées.

1 Comment

  1. Zeb says:

    Ça devient un peu n’importe quoi ce qui se passe là. Entre la mère d’Ilan qui déclare que « la Shoah recommence », les manifestations continues d’organisations juives, et maintenant l’ingérence du Garde des Sceaux, il y a tout de même là une obstination excessive et un déni du rôle de la Justice. Si la mère de la victime a l’excuse de la douleur, les autres acteurs de ce cirque devraient mesurer leurs actes.

    Et puis en soit, les peines sont quand même bien lourdes pour les co-acusés.

    Le rôle d’un tribunal est de rendre justice, pas de venger les victimes.

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