2012 - Crédits aux auteurs.

Jiro dreams of Sushi

Qui aurait pu croire que le plus réputé des bars à sushis serait situé dans un endroit aussi étonnant qu’improbable : une station de métro tokyoïte ?

Car c’est à Ginza, quartier chic de la capitale japonaise, que l’on trouve le Sukiyabashi Jiro. Un restaurant simple et discret, sans devanture ostentatoire ni service clinquant, tenu depuis des années par  Jiro Ono, cuisinier infatigable de 85 ans, que d’aucuns considèrent comme le meilleur maître sushi. Rien que ça !

Imaginerait-on un Joël Robuchon, Alain Ducasse ou Bernard Loiseau travailler sous terre, dans une station de métro à Paris ? Certes non ! Mais au Japon, le flacon importe peu. Seule l’ivresse compte. Et Jiro Ono s’enivre depuis 75 ans, en travaillant le poisson, en préparant le riz, en organisant les saveurs. Son but ? Tendre toujours un peu plus vers l’umami (うまみ), le savoureux.

A-t-il atteint le sommet de son art ? Lui dit que non et souhaite poursuivre son ascension. Mais les autres pensent qu’il a déjà été plus loin que n’importe quel autre cuisinier. Reconnu par ses pairs dans le monde entier, célébré dans le guide Michelin par trois étoiles et présenté comme un trésor national par le Japon, Jiro Ono est très sollicité et collectionne honneurs et récompenses. Impossible d’arriver à l’improviste pour déguster des sushis ; il faut réserver des semaines (disons même des mois) à l’avance, et les menus démarrent à 310 euros. De quoi réfréner les ardeurs, d’autant que le nombre de couverts est plus que limité ! Mais les tarifs ne sont sans doute pas immérités, tant la préparation est minutieuse : rendez-vous compte, les cuisiniers massent les poulpes afin d’attendrir leur chair et retirer sa sensation caoutchouteuse.

Jiro Ono est tellement exceptionnel qu’il a fait l’objet d’un documentaire, quelque peu hagiographique peut-être, de l’Américain David Gelb. Ce dernier nous fait bien entendu découvrir le travail du chef nippon, mais aussi sa vie, ses fils prêts à reprendre le flambeau et ses deux restaurants. L’aîné, Yoshikazu Ono, prendra la succession de Jiro lorsque celui-ci se retirera. Le benjamin, Takashi Ono, dirige de son côté l’autre restaurant, situé à Roppongi Hills, dont l’agencement est symétrique au premier. Et pour cause : Takashi est droitier, tandis que son père et son frère sont gauchers.

Mais le documentaire ne s’arrête pas là. Il soulève également un problème du phénomène sushi à travers le monde. Très populaire à l’international, ce met a une conséquence très directe sur la surpêche et la réduction des stocks de poissons. Et c’est là des enjeux à venir : comment satisfaire la demande sans pour autant vider les océans ? À cette question, le documentaire ne répond pas : mais il montre que les cuisiniers sont conscients du risque qui pèse sur toute la filière marine et au-delà.

Côté technique, bien que n’étant pas un spécialiste, j’ai fortement apprécié la manière dont le documentaire a été réalisé : les effets de profondeur de champ, la lumière, les ralentis, le cadrage parfois très resserré (plan de détail notamment) rendent la vidéo très plaisante à regarder. Même la position des sous-titres est également inhabituelle, mais loin d’être déplaisante. Comme je l’ai dit sur Kanpai en commentaire, que je remercie par ailleurs pour avoir signalé l’existence de ce documentaire, je me demande bien quel matériel a été utilisé pour ce rendu. Le résultat est en tout cas très élégant.

En fait, ça n’a juste rien à voir avec les « sushis » que l’on peut trouver en France. Bon sang, ça m’a ouvert l’appétit !

Photos : captures d’écran