La photo illustrant l'album Virgin Killer du groupe allemand Scorpions est-elle une image pédophile ? Voilà en quelques mots tout le débat qui secoue depuis quelques jours la version anglophone de l'encyclopédie en ligne. Et de ce questionner ensuite : le site sera-t-il une victime collatérale du filtrage internet ? Va-t-on assister à une éventuelle dérive ?
Reconnaissons-le, une petite fille nue, même le sexe caché par un éclat de verre, c'est au mieux une oeuvre provocatrice, au pire une photo d'un gout douteux. En tout cas, ce n'est pas anodin, et ça flirte avec l'un des tabous majeurs des sociétés : la pédophilie. Avec cette ambiguité, il n'en fallait pas moins pour que l'Internet Watch Foundation (IWF) intègre la page traitant de l'album dans sa liste noire des sites hébergeant du contenu pédophile.
Or, il y a quand même un problème. Si l'Internet Watch Foundation fait un travail nécessaire, soutenu financièrement par l'Union européenne et plus de 80 entreprises de télécoms, l'organisme britannique n'a pas reçu l'autorisation de la part d'un juge pour effectuer le blocage. Cela a été décidé arbitrairement. Et c'est d'autant plus problématique que l'IWF met à disposition sa liste aux différents fournisseurs d'accès internet afin qu'ils procèdent aux blocages des sites incriminés. Toujours sans le contrôle d'un juge, sans vérification légale. Un organisme privé, aussi louable soit-il dans sa tâche, frappe ainsi d'interdit de nombreux internautes sans qu'aucune vérification, sans qu'aucune autorisation ne soit donnée par la justice.
À l'heure actuelle, je ne sais pas si les internautes anglophones ont accès à l'image ou même à la page web. En tout cas, la page est désormais verrouillée à l'édition, même si les administrateurs de Wikipédia ont décidé de maintenir l'image en ligne.
Choix que je soutiens.
Car, comme le rappelle Numérama, la morale publique étant une donnée variable dans la société, que censura-t-on demain au nom de sa protection ? Entendons-nous bien : je ne suis pas franchement friand de ce genre de créations pour autant. Mais pour autant, je doute que la jeune fille ayant servi de modèle ait été également violée par le groupe de musique ou le staff technique. Et quand bien même cette pochette poserait problème, c'est à la justice de trancher. Pas à un organisme privé.
Qui plus est, cette affaire souligne également les limites techniques et les dérives dangereuses engendrées par un filtrage des contenus pédophiles/pédopornographiques. La question est d'autant plus d'actualité que le gouvernement français a dans les cartons un projet de filtrage visant à imposer aux FAI une obligation de résultat.
Pour aller plus loin sur ce sujet, voir les articles de Numérama et d'Ecrans.
