Quand j’ai lu l’histoire de Mark sur TorrentFreak, j’ai inévitablement fait le rapprochement avec les avertissements présents sur les DVD commerciaux et les DRM qui ont empoisonné la vie des utilisateurs ces dernières années. Malgré un recul progressif des “mesures techniques de protection” (enfin, c’est surtout l’univers musical qui en est relativement débarrassé, parce que les DRM  sont encore bien présents sur de nombreux autres produits culturels numérisés), il y a toujours une tendance lourde dans l’esprit des industries culturelles, c’est de considérer le consommateur, le client comme un voleur potentiel. Et ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’au lieu d’endiguer le piratage, ils ne font que l’attiser et le nourrir. En résumé, ces industries transforment un utilisateur en pirate en puissance.

Mais revenons à notre histoire.

Mark, donc, est un informaticien travaillant dans une petite entreprise. En plus de ses prérogatives habituelles, il doit également s’occuper des licences des logiciels utilisés pour que l’entreprise ne tombe pas dans l’illégalité, soit privée de mises à jour ou tout simplement pour qu’elle puisse bénéficier d’un éventuel support technique en cas de souci. Or récemment, la licence de PaperPort, un gestionnaire de numérisation de documents conçu par Nuance, devait être activée pour que le logiciel soit fonctionnel sur les ordinateurs de l’entreprise. Et pour libérer un autre slot d’activation, il était nécessaire de désinstaller l’ancienne version tout en suivant une procédure en ligne. Évidemment, comme la dans la majorité des logiciels licenciés requérant une activation en ligne, ça ne s’est déroulé tout à fait correctement.

Dans ces cas-là, quand le problème touche la licence elle-même, le mieux à faire est de contacter l’assistance technique. Or à sa grande surprise, Mark apprend que les techniciens de Nuance ne peuvent l’aider immédiatement ; il lui faut d’abord prouver qu’il possède une copie légale de PaperPort en fournissant notamment des photos du CD logiciel. Après avoir bataillé au téléphone pendant deux jours avec le support technique, sans parler de multiples envois de la photo des CD, Mark a finalement obtenu deux licences pour utiliser légalement PaperPort.

Agacé par la façon dont il a été traité par le support, Mark a contacté le chef de la direction (à l’américaine, on dit “CEO”) de Nuance, Paul Ricci, pour lui faire savoir que s’aliéner des clients de cette façon n’allait pas l’aider à vendre plus de logiciels.

Dear Mr Ricci,

Our company has been using your product for nearly a decade. We have estimated that it is safe to say we have spent $3000 over the years on your product. We are by far not the biggest customer but in today’s economy we think every customer counts. We recently bought several PaperPort 11 licenses which we have used. We have upgraded our computers and the procedure is to uninstall paper port (While online) in order to free a license for the new computer. Sadly this did not work. My efforts at consulting with your technical support department were very time consuming, confusing, and ultimately pointless. To my surprise, they wanted me to take a PICTURE of the CDs we have. As an IT professional, I found this archaic exercise in futility to be absolutely appalling. Not only do your anti-piracy methods completely fail (There is no known anti-piracy method that works to this day, anything can be downloaded) but they cost me; the legitimate customer time and frustration. Attached is the picture I had to send in. This is to let you know that we are completely disgusted with your company’s procedures, and are no longer going to do any business with Nuance.

Just to let you know, being a computer engineer, I can guarantee you these statistics:

Pirates Stopped = 0
Legitimate Customers totally alienated = Thousands.

You may want to take a look at your stock trends of late, Mr. Ricci. Perhaps this poor customer service MIGHT explain some of that.

Toutefois, l’histoire de Mark a connu un “happy-end” puisque le CEO de Nuance a transmis le courrier de l’informaticien au responsable commercial qui lui a répondu. Et dans un geste de bonne volonté, plusieurs licences pour PaperPort, PDF et OmniPage étaient offerts. Malgré tout, Nuance a reconnu son erreur et a bien réagi face à cet épisode qui aurait pu être fâcheux pour l’image de la société (EA en sait quelquechose avec le verrouillage excessif du jeu Spore). Mais combien d’autres utilisateurs dans le monde se retrouvent dans une situation identique ?

Finalement l’histoire de Mark est un problème symptomatique entrel les industries et les utilisateurs. À vouloir surprotéger à tout prix leurs biens, les différentes industries finissent par nuire directement au consommateur légal. Car s’il est légitime et compréhensible qu’une entreprise cherche à combattre le piratage frappant son commerce, cela doit se faire dans le respect du client qui paie le produit en allant dans le commerce. Dans le cas contraire, lassé de devoir rentrer des kilomètres de clés CD/DVD, d’activer le produit en ligne, de s’enregistrer sur le site officiel ou de subir une limitation drastique du nombre d’installations possibles, le client qui n’en sera plus un se tournera vers des solutions moins contraignantes.

L’exemple des DRM que j’ai cité plus haut dans ce billet est un autre exemple très parlant. En installant des mesures techniques de protection limitant l’interopérabilité et la manipulation du fichier musical, ce ne sont pas les internautes qui téléchargent illégalement qui ont été enquiquinés, mais bien les clients des plate-formes légales de téléchargement. Et bien souvent, en plus du cout et de la présence du DRM, le fichier était souvent encodé dans un format (mp3) et un débit binaire (128 kbps) on ne peut plus basique. De l’autre côté de la barrière en revanche, sur les réseaux P2P, le même fichier est disponible dans plusieurs formats, dont certains libres (Free Lossless Audio Codec, Ogg Vorbis), et dont les débits binaires sont sans commune mesure.

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